«Quelle Europe voulons-nous?»

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Le 16 avril, au Théâtre de la porte Saint-Martin, Libération a organisé une journée de débats et d'échanges sur les enjeux de l'élection présidentielle.

A juger par les résultats, les objectifs des élites de l’Europe -donc de ses institutions, Commission et Etats membres inclus- consistent à acquérir le maximum de richesses pour elles-mêmes aux dépens des peuples et d’en finir avec la démocratie. Dans les années 1970, le partage de la valeur ajoutée des économies européennes était d’environ 70 % pour le travail (salaires) et 30% pour le capital (dividendes, intérêts, rentes). Depuis, le capital a gagné 10 points. La perte de 10 % chaque année pour les salariés se monte à la bagatelle de 1.400 milliards d'euros par an qu’ils ne dépensent plus dans l’économie réelle, celle des biens et des services. En revanche, le supplément de 10% qu’empoche le capital permet d’investir beaucoup plus sur les marchés financiers, ceux-là mêmes qui nous ont fait tant de cadeaux depuis 2007-2008, mais fait aussi perdre des emplois.

Guerre des classes réussie? Loin de moi de le dire. Toutefois, l’institution révolutionnaire qu’est l’OCDE notait déjà en 2003 un «effondrement depuis le début des années 1980 de la part du travail dans la valeur ajoutée dans toute l’Europe et particulièrement en France». Selon M. Warren Buffett, troisième fortune mondiale: «Il y a une guerre des classes, c’est vrai, mais c’est ma classe, la classe des riches qui la mène, et nous sommes en train de la gagner». Eurostat constatait aussi que les dépenses de la protection sociale par rapport au PNB en Europe n’ont cessé de chuter depuis 1996. Le Etats-membres peuvent blâmer l’Europe de Bruxelles ou inversement: la doctrine néolibérale et ceux qui appartiennent à ce que j’appelle la «classe de Davos» règnent.

A quand une taxe sur les transactions financières? Une loi pour mettre les banques «trop grosses pour faire faillite» sous contrôle? Une harmonisation des impôts (vers le haut)? Une part juste pour les salariés et pour la protection sociale ? Des Euro-bons du trésor pour mener une transition verte vers une économie basée sur les énergies renouvelables qu’aucun pays ne peut réussir seul ? Aux Calendes grecques.     

A propos de la Grèce, nous avons compris définitivement en juillet 2015 que l’Europe ne permettrait jamais que la démocratie puisse interférer avec son projet fondamental. Les officiels le disent d’ailleurs ouvertement. Aucun vote ne saurait changer une virgule aux Traités, textes sacrés.  Les peuples de France et des Pays Bas l’avaient appris il y a une décennie quand la Commission a balayé leurs votes contre la Constitution.

Cette Europe-là veut nous mettre dans une prison haute sécurité néolibérale d’où on ne pourrait plus se sauver. Seules deux stratégies nous permettraient d’y échapper : Celle dite «de Dracula» qui consiste à exposer cette Europe à la lumière du jour devant les peuples pour qu’elle se ratatine comme le vampire. L’autre : que nos pays commettent des actes de désobéissance civile. Il nous faut des dirigeants politiques qui l’osent.

Par Susan George, écrivaine et militante altermondialiste —

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