TTIP - TAFTA: quand Angela Merkel négocie à la place de François Hollande et des autres

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Barack Obama fait sa tournée américaine en Europe.

Après le Royaume-Uni et son discours contre le Brexit, c'est au tour de l'Allemagne et le TTIP. Voilà l'illustration d'une Europe où les Etats ne sont pas égaux et où la Commission européenne, censée pourtant négocier le traité transatlantique, n'existe pas.

Il est logique du point de vue américain de négocier avec Merkel. La chancelière allemande est en effet à la tête de la superpuissance du petit monde européen. Il ne va pas aller négocier le traité transatlantique avec 28 chefs d'Etats et de gouvernements. Une discussion bilatérale avec la personne qui donne le La dans l'UE est beaucoup plus efficace qu'un sommet à 28 et tout le décorum qui va avec.

Cette rencontre marque aussi l'absence du couple franco-allemand, vanté en permanence par les exécutifs des deux côtés du Rhin. C'est aussi logique pour Angela Merkel de profiter de l'occasion pour négocier sur un tel sujet en promouvant les intérêts industriels et agricoles nationaux. Pourquoi dès lors inviter les Français qui ont sur ce dossier des intérêts divergents ? D'autant plus que les signaux envoyés de France sont très négatifs pour le TTIP. Cette blessure dans l'amitié franco-allemande doit faire comprendre aux Français ce que ressentent les autres pays européens. En effet, quand France et Allemagne ont une position commune sur un sujet, il est quasi impossible pour la plupart des autres pays de l'Union européenne de faire entendre leur voix.

Angela Merkel n'a pas plus de légitimité à négocier le TAFTA avec Barack Obama que lorsqu'elle était allé négocier le CETA avec le Canada. La Commission européenne est censée avoir reçu un mandat très clair de la part des Etats européens pour négocier en leur nom. Nous étions supposés éviter ainsi la cacophonie de 28 intérêts nationaux au profit d'une voix plus forte représentant 500 millions d'Européens et la première zone commerciale du monde.

La Commission européenne est absente de cette réunion aussi. Il s'agit d'un désaveu pour la commissaire suédoise Cecilia Malström en charge de ce dossier. L'exécutif européen devrait tirer les leçons de ce nouveau coup dans le dos de la part d'un des Etats européens. Les dirigeants nationaux d'aujourd'hui n'ont pas le sens de l'intérêt général européen comme pouvaient l'avoir les Mitterand et Kohl, encore qu'il y ait aussi beaucoup de choses à redire au comportements d'hier. Le seul allié de la Commission européenne est le Parlement européen. Mais cela suppose sur le TTIP d'échanger avec sa majorité parlementaire comme il se doit et ne pas traiter les représentants directs des citoyens européens comme des opposants de principe.

La Commission européenne n'est pas encore un gouvernement européen et c'est toute sa faiblesse. On n'imagine pas dans notre hexagone voir l'Île de France négocier à la place du gouvernement un traité international. Pourtant au niveau européen, certains acceptent ce que vient de faire Angela Merkel et trouveront probablement des justifications à ce qu'elle vient de faire. C'est peut-être du reste ce qui est le plus grave.

Contrairement à ce que certains collectifs "anti-Tafta" proclament, ce n'est pas le TTIP qui est le principal danger pour la la démocratie européenne. C'est bien l'Europe des Etats, par le biais du Conseil européen et des diplomates, qui nous met le plus en danger. Elle pousse les dirigeants nationaux à mettre leur intérêt national (souvent à court terme d'ailleurs) en avant au détriment de l'intérêt européen.

Quand Angela Merkel négocie à la place de François Hollande et des autres, ce sont les citoyens européens qui perdent leur souveraineté. Pas à cause de l'Allemagne mais en raison du système institutionnel européen et des dirigeants nationaux qui le gouverne.

 

Par Fabien Cazenave, Porte-parole de l'Union des fédéralistes européens

 

 

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