Un marché unique des télécoms, préalable d’une économie numérique européenne
Google est une des plus grosses capitalisations boursières du monde et sans doute l’entreprise la plus solide des fameux Gafa [Google, Apple, Facebook, Amazon], acronyme devenu générique de la Silicon Valley.
Cette entreprise nous rend chaque jour des services irremplaçables et aide quantité d’entreprises européennes à décoller dans l’économie numérique. Ce succès s’est cependant bâti sur de multiples entraves au droit de la concurrence. La Commission européenne a déjà engagé des poursuites pour abus de position en matière de moteur de recherche, de commercialisation des applications et de système d’application.
Des enquêtes sont toujours en cours concernant la publicité en ligne, nonobstant les pratiques d’évitement fiscal dont Google est soupçonné à l’instar de nombre de multinationales. C’est à juste titre que l’exécutif européen veille à préserver les conditions d’une concurrence loyale. Mais pas plus que le président de la BCE, Mario Draghi, ne pourra durablement parer la non-politique fiscale et budgétaire des États membres, la commissaire libérale à la Concurrence, Margrethe Vestager, ne pourra longtemps remplacer la non-politique industrielle causée par ces mêmes États membres.
Que nos opérateurs téléphoniques demeurent chers et peu performants, et les Européens manqueront le coche de la nouvelle révolution industrielle
Monde interconnecté. Vingt ans après la vision du commissaire libéral à l’Industrie, Martin Bangemann, sur le monde interconnecté d’aujourd’hui, le seul atout européen, nos infrastructures de télécommunications, restent en effet à la traîne. De nos entreprises de télécommunications dépendent pourtant l’éclosion et le développement de l’économie numérique en Europe. Cependant, faute de surface financière, elles investissent insuffisamment, au point que la 4G (5 à 10 fois plus rapide que la 3G) ne profitera qu’à 35 % des utilisateurs européens en 2018, selon une enquête d’Erikson, contre 70 % pour les Américains. Que nos opérateurs téléphoniques demeurent chers et peu performants, et les Européens manqueront le coche de la nouvelle révolution industrielle.
Il est donc temps d’aborder le marché des télécoms dans sa dimension industrielle, structurante pour la performance globale de l’économie européenne, et non plus seulement sous l’angle des effets concurrentiels ponctuels d’une consolidation du secteur, sur tel ou tel marché national, comme le considèrent les régulateurs nationaux.
Manque pourtant à l’évidence une pièce essentielle sans laquelle l’économie numérique ne pourra jamais s’épanouir pleinement : un marché unique des télécoms. Aujourd’hui, ce marché compte environ 140 opérateurs, vaguement coordonnés par l’ORECE, un organe consultatif regroupant les régulateurs nationaux. Un tel cloisonnement est une menace pour la normalisation des technologies et donc pour tout projet d’un marché européen numérique intégré. Faut-il quatre opérateurs comme aux États-Unis ou dix ? Ce n’est ni à la Commission, ni aux États membres de le dire, mais à un régulateur unique européen dont la création serait la seule preuve tangible que les chefs d’État et de gouvernement œuvrent réellement à un avenir à l’économie numérique en Europe.
Ancien Premier ministre belge, Guy Verhofstadt est président de l’Alliance des démocrates et des libéraux pour l’Europe (ADLE) au Parlement européen.
UN ARTICLE LOPINIOPN.FR