Européens, réveillons-nous! Pour un nouveau Pacte européen des droits de l'Homme
Face aux défis du XXIe siècle, la consolidation de l'Union européenne demeure l'aventure politique des Européens.
Les Etats membres de l'Union européenne se posent la question de savoir si leur Etat a besoin de "plus" ou "moins" d'Europe. Il s'agit d'un questionnement vain et même d'une erreur fondamentale. Définir le besoin de "plus" ou "moins" d'Europe est un problème éminemment politique et national.
La construction européenne ne doit pas avoir une appréhension quantitative, mais résolument qualitative. Nous avons besoin d'une meilleure Europe, par respect pour les valeurs qui fondent l'Union européenne, à savoir maintenir la paix entre les peuples de l'Union, paix catalysée par le respect des droits de l'Homme. Il faut analyser la crise de l'UE selon un triptyque de temporalités entrant en conflictualité. Or, c'est bien de l'harmonie entre les temporalités que l'Union européenne retrouvera une sérénité.
Tout d'abord, l'approche culturelle de l'Europe est fondamentale, l'Europe porte les héritages de notre passé. Seule une Europe référence de solides valeurs permettra de rencontrer une Europe puissance économique qui confirmera une Europe utile, celle de la Liberté de circulation. Ces deux dernières se vivent dans des temporalités de moyen et long terme.
Aujourd'hui, il est important -et même vital- d'effectuer une révolution copernicienne de l'Union européenne. La construction européenne a jeté les bases, plus d'un contenu que d'un contenant. Il est grand temps de s'atteler à construire un nouveau contenant démocratique et politique à l'Union européenne. Il faut en finir avec un "Bruxelles bashing" insupportable, seule la création d'une nouvelle légitimité politique permettra une nouvelle gouvernance européenne.
La montée des nationalismes et la défiance à l'égard du projet européen conduit à reformuler les fondements de la construction européenne.
L'Union européenne doit affronter la question de la légitimité. Un examen exhaustif de cette légitimité doit nous interroger sur le sens de cette légitimité -quel est le destin commun des peuples de l'UE?-, le fondement de cette légitimité -les Peuples et les Etats à l'origine de cet acte politique- et la responsabilité de la légitimité, il s'agit de la question de déterminer les instances devant lesquelles les décideurs doivent rendre des comptes. Un manifeste pour une nouvelle gouvernance européenne doit être proposé. Quelques traits le caractérisent: le renforcement du rôle du Parlement et la responsabilisation des citoyens par leur vote contribuent à créer un nouveau Pacte de confiance européen.
Il faut renforcer toujours plus les pouvoirs du Parlement car l'Union européenne ne sera légitime pour les citoyens européens que si elle repose sur de réelles procédures démocratiques.
Selon la lettre du traité de Lisbonne, le Parlement européen est le représentant "des citoyens européens". Le 25 mai 2014, 380 millions d'européens étaient appelés à se prononcer sur un scrutin démocratique inédit dans le monde: voter pour élire 751 députés élus à la représentation proportionnelle. Il s'agit du corps électoral le plus important au monde, après celui du parlement de l'Inde.
Il faut poursuivre le renforcement du rôle du Parlement européen au fil des réformes institutionnelles. Il est l'organe démocratique et de confrontation des idées. Le Parlement est aujourd'hui co-législateur avec le Conseil. Cette tendance doit s'amplifier pour le contrôle de la politique économique et financière. Au fil du temps, le Parlement européen est devenu un vrai législateur.
De plus, il faut favoriser le vote à la majorité qualifiée. Le vote à l'unanimité est un obstacle à la prise de décision dans la mesure où il confère un droit de veto à chaque Etat membre et donne une prééminence du Conseil sur le Parlement européen.
Il devient urgent de revoir les processus démocratiques et d'appliquer ceux qui existent par les traités. Par exemple, depuis le traité de Lisbonne, le droit d'initiative est ouvert aux citoyens européens. Or, il reste utilisé par la Commission.
Il est temps que les citoyens puissent être maître de l'élection de leurs représentants qui rendraient des comptes. La désignation par les Etats membres, même après un processus transparent relève d'un regard démocratique.
Il faut dépasser la vision d'une Europe technocratique et prendre conscience que la légitimité de l'Europe politique est double. Il faut une légitimité des Peuples et des Etats, à la fois nationale et européenne. Il ne faut pas négliger la fonction des parlements nationaux, leurs représentants sont les détenteurs du pouvoir démocratique de chacun des Etats membres. Pourquoi ne pas systématiser la tenue de conférences interparlementaires entre parlementaires nationaux et européens?
L'idée de démocratie européenne ne saurait être viable sans une orientation politique structurelle dans les postes de gouvernance clés de l'Union européenne.
Pourquoi les peuples européens ne tiendraient-ils pas une convention constitutionnelle permettant de définir collectivement un nouvel élan politique à la construction de l'Union. Quel sens voulons-nous donner à l'Union? Faut-il rendre obligatoire l'organisation d'un référendum pour toute nouvelle demande d'adhésion d'un pays?
L'UE doit retrouver confiance en elle par le maintien de ses valeurs par l'exercice des droits de l'Homme et la promotion de nouveaux droits, en particulier sociaux. Au-delà de la légitimité démocratique et des réformes institutionnelles qui en découlent, l'objectif de l'Union politique est de proposer des politiques d'intégration solidaire.
Une Europe puissante sert à faire valoir les valeurs sur lesquelles elle repose et à défendre la paix. Chaque avancée de la construction européenne s'est accompagnée d'une nouvelle dimension sociale, introduisant ainsi des éléments de continuité face à la diversité des modèles sociaux. Il faut construire un nouveau Pacte de confiance européen, basé sur le capital humain de l'Union et le respect des droits de l'Homme.
Aujourd'hui, l'Union européenne fait face au plus important défi migratoire, depuis la seconde guerre mondiale.
Il reviendra à chaque européen de se déterminer dans ce nouveau contexte entre les statuts de commentateur, de spectateur ou d'acteur de la crise migratoire. Les droits de l'Homme et les principes humanitaires ont été à l'origine de la création de l'Union européenne après les génocides, les crimes contre l'humanité et les crimes de guerre commis durant la seconde guerre mondiale.
C'est en revenant à ses racines et à la raison d'être de sa création que l'Union européenne construira au mieux ses raisons de faire pour l'Avenir.
Nous avons la chance historique avec le défi migratoire de refonder l'Europe sur un nouveau pacte de confiance fondée sur les droits de l'Homme. Nous sommes le Peuple européen, sachons saisir cette Chance! Réveillons-nous!
LE HUFFINGTON POST / BLOGS
Marie Laure Fages