L’Europe amorce une réflexion sur une refonte de ses finances

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Le Parlement européen s’est penché sur la façon de muscler les ressources des Vingt-Huit. Pour la zone euro, l’idée d’un budget propre commence à être discutée.

 

L'Union européenne et la zone euro ne vont pas pouvoir continuer à fonctionner si elles ne s'inventent pas, chacune, des ressources financières propres. Cette idée commence à prendre corps. Le Parlement européen vient d'en discuter et les ministres des Finances s'apprêtent à faire de même pour la zone euro. Certes, le sujet est tabou. Qu'il s'agisse de l'Union européenne ou de la zone euro, l'idée d'un véritable budget autonome renforce les craintes de pertes de souveraineté des Etats et agite le spectre d'une supranationalité qui n'est pas dans l'air du temps.

Depuis le référendum britannique, les responsables du continent semblent s'être accordés sur l'idée qu'il ne faut surtout pas esquisser le moindre approfondissement de l'Union européenne. Le but est de stopper la spirale du désamour des peuples vis-à-vis de celle-ci. Mieux vaut, dit-on notamment à Bruxelles, concrétiser au plus vite toutes les politiques susceptibles d'apporter un surcroît de protection aux Européens.

Financer directement le budget de l'UE

Cela n'a pas empêché le Parlement européen d'organiser, mercredi et jeudi, une conférence à laquelle étaient conviés des représentants des Parlements nationaux pour réfléchir concrètement aux moyens par lesquels les Vingt-Huit pourraient financer directement le budget de l'UE - en cessant de reposer à environ 80 % sur la contribution des Etats membres. Il y a urgence, car les droits de douane, qui étaient à l'origine une ressource substantielle, ne cessent de diminuer, à mesure que l'Union signe des accords de libre-échange.

On est arrivé à la limite de l'exercice budgétaire, et les retards de paiement des Etats membres sont flagrants.

Or, au même moment, la plupart des Etats membres voient fondre leur propre marge de manoeuvre budgétaire. Selon Pervenche Berès, présidente de la délégation socialiste française au Parlement européen, « on est arrivé à la limite de l'exercice budgétaire, et les retards de paiement des Etats membres sont flagrants ». Cette spécialiste des affaires économiques et monétaires pointe une situation de « schizophrénie », dans laquelle les Etats ont conscience que certaines politiques sont plus efficaces lorsqu'elles sont menées au niveau européen, mais « préfèrent y renoncer pour ne pas gonfler leur propre déficit ».

L'UE obligée de « faire la manche » auprès des Etats

Pour Jean Arthuis, la pathologie est plus paralysante encore : le président de la commission des budgets estime que le Parlement européen est actuellement « hémiplégique » car « contrairement à tous les Parlements du monde, il s'occupe de dépenses mais jamais de recettes ». Une situation qui, ajoute-t-il, oblige l'Union européenne à « faire la manche » auprès des Etats... Cette absence de force de frappe économique empêche le déploiement de l'UE en tant que puissance politique. « Dès qu'on doit financer quelque chose pour faire face à une crise, on invente des satellites budgétaires, des fonds divers et variés, et l'on peine à obtenir des Etats qu'ils les abondent largement », déplore-t-il.

Envoyer d'abord un signal politique

Personne, à Bruxelles, ne se fait toutefois d'illusion : compte tenu des divergences politiques sur la question, le but de cette conférence au Parlement européen était d'abord d'envoyer un signal politique. Et d'esquisser des pistes de réflexion sur les sources potentielles de financement.

De telles discussions semblent, toutefois, très avancées au regard de celles que doivent tenir, ce vendredi, les ministres des Finances européens. Réunis à Bratislava, ces derniers vont avoir des échanges informels autour de l'idée de constituer une « capacité budgétaire » pour la zone euro. « Le sujet devrait être tout juste défriché, mais le simple fait qu'il soit à l'agenda est en soi un signal », note une source diplomatique, qui confie que « Berlin aurait souhaité que le thème ne soit même pas à l'ordre du jour. »

Gabriel Grésillon, bureau de Bruxelles

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