Créer un impôt européen, le Graal des pro-UE

Publié le .

 

 

Ce mercredi, le Parlement européen invite les Parlements nationaux à débattre de l'avenir du financement de l'Union.

Enjeu: lui donner les moyens d'action dont elle est dépourvue.

 

Non, l'Europe n'est pas riche. Avec 155 milliards d'euros de dépenses prévues pour 2016, le budget de l'Union est bien plus faible que celui de la plupart de ses Etats membres. Cette même année, la France a prévu de dépenser 409 milliards d'euros. 

Qu'il s'agisse de relancer la croissance avec le plan Juncker ou de faire face à la crise des réfugiés, les fonds manquent, et le Brexit ne va rien arranger. Le Parlement européen organise ce mercredi à Bruxelles une conférence de deux jours pour discuter de l'avenir du financement de l'Union. 

Créer des ressources propres

Les parlementaires européens aimeraient parvenir à alimenter le budget de l'Union par des fonds propres, sur lesquelles ils auraient un plus grand contrôle. "Le budget est financé à 75% par la contribution des Etats membres. Nous proposons dans notre étude de créer de vraies ressources propres, des prélèvements fiscaux qui lui seraient attribués," explique à L'Express Jacques Le Cacheux, économiste à l'OFCE et coauteur d'un rapport commandé par la Commission sur les pistes de réformes. 

Un impôt européen? Les eurosceptiques vont adorer. "Il ne s'agit pas nécessairement d'augmenter le budget, tempère Jacques Le Cacheux, mais d'obtenir des ressources contrôlées par l'Union européenne." En parallèle, les Etats membres devraient donc faire baisser leur fiscalité nationale pour faire passer la pilule. 

"Le vrai sujet, c'est: 'que fait l'Europe?'"

"80% des recettes du budget européen repartent vers les Etats membres avec la politique agricole commune, les fonds de cohésion et le fonds social", abonde pour L'Express le centriste Jean Arthuis, président de la commission des budgets du Parlement européen. "Sur la part qui reste, et qui pourrait être attribuée à des projets supranationaux, un tiers va au fonctionnement des institutions. Il ne reste donc plus qu'environ 14% du budget pour des projets supranationaux: la sécurité, la coopération, l'accueil des réfugiés, la recherche ou encore le programme Erasmus. Le vrai sujet, c'est: 'que fait l'Europe, quelles sont ses prérogatives?' " 

Les institutions européennes ont confié en 2014 à l'ancien commissaire Mario Monti la direction d'un groupe de mission sur les ressources propres. Il sera présent ce jeudi pour commenter les perspectives de réformes. "Personne n'est satisfait de l'équilibre actuel. La question des rabais aux contributions nationales empoisonne l'Union depuis 30 ans. Le Royaume-Uni n'est pas le seul à en bénéficier. L'Allemagne, la Suède, les Pays-Bas et l'Autriche bénéficient également d'un rabais sur leur contribution en TVA. Les ressources propres permettraient de remettre le compteur à zéro," assure Jacques Le Cacheux. 

"Sans moyens, cela risque de mal finir"

Avec les élections en France et en Allemagne en 2017, le climat semble pourtant peu propice à l'élaboration d'un budget constitué de fonds propres européens, qui implique un pas vers le fédéralisme. "Personne n'y est prêt, reconnaît Jacques Le Cacheux, même si c'est probablement la solution la plus raisonnable. En attendant, l'Europe ne se donne pas les moyens de ses ambitions. Cela risque de mal finir." 

Pour Jean Arthuis, fédéraliste convaincu, "un budget qui ne représente que 1% du PIB des Etats membres est un budget d'impuissance, et l'Europe une institution en danger." Peu confiant envers les chefs d'Etats, "qui ne veulent rien changer pour garder une illusion de souveraineté", il n'espère de la conférence de Bruxelles qu'une "prise de conscience." Mais souhaite, dans l'idéal, une réécriture des Traités qui autorise le parlement européen à lever l'impôt. 

 

Un article Lesechos.fr

 

Imprimer