Europe : pour un diagnostic sans concession

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LE CERCLE/POINT DE VUE - L'Allemagne, la France et l'Italie ne parviennent pas à s'accorder sur un diagnostic commun des mauvaises performances économiques de la zone euro. Cela est pourtant indispensable pour redresser l'Europe.

 

Lors d’un mini-sommet le 22 août dernier, Angela Merkel, Matteo Renzi et François Hollande ont appelé à une relance du projet européen. Si l’on ne peut que saluer l’unité affichée alors que l’Union européenne est fragilisée par le Brexit , les déclarations de bonnes volontés ne suffiront pas pour la sauver.

Aujourd’hui, c’est l’unité de la zone euro qui est potentiellement compromise par la montée du populisme. La situation est particulièrement inquiétante en Italie où le mouvement cinq étoiles de l’humoriste Beppe Grillo est en tête des sondages, alors que Matteo Renzi a promis de démissionner en cas d’échec de son référendum constitutionnel qui devrait se tenir avant la fin de l'année.

Divergences de points de vue

Il semble clair que les mauvaises performances économiques de la zone euro exaspèrent les citoyens européens et contribuent à la fragilité institutionnelle de l’Union européenne. Si cette situation perdure, c’est d’abord et avant tout parce que l’Allemagne, l’Italie et la France ne partagent pas un diagnostic commun des difficultés économiques de la zone euro. Or, une bonne thérapie doit toujours s’appuyer sur un diagnostic juste. A fortiori, un patient malade confronté à deux ou trois médecins qui se disputent sur le diagnostic n’a que peu de chances de s’en sortir.

Pour l’Allemagne, les pays de l’Europe méditerranéenne payent la facture d’une accumulation de rigidités structurelles et d’une gestion laxiste de leurs finances publiques. Pour la France et l’Italie, la zone euro est au contraire victime du caractère récessif de l’austérité. En réalité, ces différents diagnostics ne sont pas incompatibles puisque la zone euro souffre de tous ces problèmes à la fois.

Dans de nombreux pays européens, le chômage de masse et la croissance molle perdurent depuis plusieurs décennies. C’est la preuve de la nécessité de grandes réformes structurelles. Le marché du travail doit être plus fluide, la justice plus rapide et la liberté d’entreprendre doit prévaloir dans quasiment tous les secteurs d’activité.

L’austérité, politique incontournable ?

Par ailleurs, les trajectoires d’endettement de la France et de l’Italie ne sont clairement pas soutenables à long terme. En outre, les dépenses publiques sont élevées et souvent inefficaces alors que nos économies sont asphyxiées par une fiscalité écrasante. Tôt ou tard, une phase d’austérité s’imposera.

Ceci étant, l’Allemagne doit reconnaître que la zone euro souffre également d’une insuffisance de la demande. Cela se traduit par une inflation faible malgré tous les efforts de relance de la Banque Centrale Européenne. De plus, avec un excédent commercial record , la modeste croissance allemande repose très largement sur la demande extérieure. En clair, l’Allemagne exporte son excès d’épargne et son insuffisance de la demande.

Dans ce contexte, la diminution des dépenses publiques ne peut qu’aggraver l’insuffisance de la demande et le chômage. Or, les travailleurs sans emploi ne contribuent pas au désendettement de leur pays. L’austérité est donc clairement inefficace et même dangereuse si elle nourrit le populisme.

Relancer la demande

Il faut donc résoudre l’insuffisance de la demande avant de chercher à redresser les finances publiques. Cela requiert une hausse des déficits budgétaires à court terme et une forte baisse à long terme. Par exemple, l’investissement public peut être temporairement augmenté alors même que les dépenses de fonctionnement sont durablement réduites.

Une fois la demande repartie, l’inflation augmentera et les taux directeurs redeviendront positifs. Cela permettra ensuite à la Banque centrale européenne d’accompagner l’austérité par une baisse des taux afin de stimuler la demande du secteur privé au moment même où celle du secteur public diminuera fortement.

Le chemin du redressement est étroit. Nous ne l’emprunterons certainement pas si l’Allemagne, l’Italie et la France ne parviennent pas à s’accorder sur un diagnostic juste et sans concession de la situation. Là doit être la priorité des prochains sommets européens.

Jean-Baptiste Michau est professeur au département d’économie de l’Ecole Polytechnique

En savoir plus sur http://www.lesechos.fr/idees-debats/cercle/cercle-160199-europe-pour-un-diagnostic-sans-concession-2025278.php?7jDw9wD1wlJySfGd.99

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