Parlement européen: Martin Schulz se verrait bien 30 mois de plus au "perchoir"

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Strasbourg - Installé depuis presque cinq ans à la présidence du Parlement européen, le social-démocrate allemand Martin Schulz se verrait bien reconduit pour 30 mois de plus dans cette fonction prestigieuse, à laquelle il a donné une grande visibilité. Mais l'idée fait grincer des dents à la droite de l'hémicycle, qui aspire à l'alternance.

 

Depuis que le Parlement européen est élu au suffrage universel, en 1979, M. Schulz, 60 ans, est le seul à l'avoir présidé pendant une aussi longue période. Tous ses prédécesseurs n'ont occupé le "perchoir" que pendant une demi-mandature, en application d'un accord entre gauche et droite qui stipule que la présidence revient alternativement à l'un puis l'autre camp, tous les deux ans et demi.  

Or M. Schulz, un ancien libraire polyglotte devenu au fil des ans une "figure" de l'Union européenne, a déjà bénéficié d'une exception à cette règle: à l'issue d'un premier mandat de 30 mois, il a été réélu au lendemain des élections européennes en juillet 2014, pour 30 mois de plus, avec les voix des élus conservateurs, à qui il avait promis de céder le poste en janvier 2017. 

Et ensuite' Pour l'heure, le social-démocrate allemand ne dit rien, officiellement, de ses intentions. Pour autant, "depuis des mois, sans jamais s'exprimer lui-même, il fait dire par toutes sortes de personnalités que ses qualités sont telles qu'on ne peut pas se passer de lui", raille un élu influent du groupe PPE (conservateur).  

Le chef de file du groupe socialiste au Parlement, Gianni Pittella, s'est ainsi prononcé pour un nouveau mandat de M. Schulz, de même que le vice-chancelier allemand, le social-démocrate Sigmar Gabriel.  

- "Il nous déclarerait la guerre" - 

Plus étonnant: en juillet, M. Schulz a reçu le soutien du président de la Commission européenne Jean-Claude Juncker, pourtant conservateur. 

En ces temps de crise, les institutions européennes ont besoin de "stabilité", et doivent donc être "pilotées de la même manière pendant les deux ans et demi à venir", a déclaré M. Juncker à l'hebdomadaire allemand Der Spiegel, dans une interview en commun avec... Martin Schulz. 

Un commentaire que les ténors du PPE préfèrent ignorer. "Nous avons un accord avec les socialistes. Martin Schulz l'a signé lui-même. S'il maintenait sa candidature, il nous déclarerait la guerre", tranche un eurodéputé du groupe PPE, qui rassemble les principaux partis de la droite modérée en Europe.  

Au PPE, justement, des noms de possibles prétendants au "perchoir" circulent déjà: parmi eux, l'ancien ministre français Alain Lamassoure, l'ancien commissaire européen Antonio Tajani (un Italien, proche de Silvio Berlusconi), ou encore l'Irlandaise Maired McGuinness. 

S'il franchissait le pas et décidait de briguer un nouveau mandat, Martin Schulz partirait de toute façon dans une posture délicate, puisqu'il aurait besoin de convaincre un certain nombre de députés extérieurs à sa famille politique. Or, l'homme est certes unanimement loué pour la visibilité qu'il a su donner à sa fonction sur les scènes européenne et internationale, mais il agace aussi par son "style autocratique", souligne le Vert allemand Reinhard Bütikofer.  

"Il ne sait pas suffisamment taper du poing sur la table lorsque le Parlement est en conflit avec la Commission", juge de son côté l'écologiste française Michèle Rivasi. "Il a fait son temps. Nous ne le soutiendrons pas", ajoute-t-elle. 

Selon la presse allemande, Martin Schulz réfléchit déjà à un "plan B": une carrière politique à Berlin. La possibilité qu'il brigue la chancellerie face à Angela Merkel, lors des élections de l'automne 2017, a même été évoquée.  

Sur cette question, Martin Schulz s'est contenté de dire que l'actuel président du parti social-démocrate (SPD) et vice-chancelier Sigmar Gabriel était le "candidat légitime" du parti, selon des propos rapportés par le quotidien allemand Rheinische Post. Sans pour autant fermer la porte à un autre scénario. 

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