Le FN multiplie les erreurs de vote au Parlement européen
988 : c’est le nombre d’erreur de vote commises par les eurodéputés FN depuis juillet 2014. La justice française enquête justement sur les fonctions de 29 assistants parlementaires du parti, censés préparer les listes de votes.
Les eurodéputés français ont une drôle de manie au Parlement européen : celle de changer d’avis. Une fois le vote passé, le règlement de l’assemblée européenne leur permet en effet de « corriger » leur vote, s’ils se sont trompés.
Les Français sont les plus gros utilisateurs de la procédure, avec 24 erreurs par eurodéputé depuis juillet 2014, selon les statistiques compilées par europaportalen.
Le Front national a totalisé 988 erreurs de vote, mais les Républicains se défendent aussi, avec 332 corrections de vote.
Tenter de corriger son erreur n’a toutefois peu d’intérêt : le résultat final ne change pas – sauf dans les archives du Parlement européen.
« C’est une déclaration politique, qui intervient pour expliquer un vote ou un contexte compliqué » assure une source au Parlement européen.
Sessions longues et complexes
Les sessions de vote du Parlement européen peuvent de fait être longues et complexes. Les élus disposent théoriquement de listes de votes auxquelles se fier, établies par leur groupe ou leur assistant. « Encore leur faut-il savoir la lire » s’amuse un eurodéputé rompu à ces pratiques, qui estime que le nombre d’erreurs élevé reflète surtout l’incompétence des élus.
Les « erreurs » signalées peuvent aussi justifier des positions difficiles à expliquer aux électeurs, ou encore permettre à un élu de se démarquer de sa famille politique, tout en suivant officiellement ses votes.
Vote avec le groupe, correction individuelle ?
C’est ce qui semble aussi se passer avec Jean-Luc Mélenchon, autre cancre du vote électronique. Sur 751 élus, il arrive N°1 ex aequo avec la députée FN Dominique Bilde, avec 108 corrections de votes en 18 mois. Les deux élus votent souvent avec la majorité de leur parti, la GUE pour Jean-Luc Mélenchon, et l’Europe des Nations et des Libertés pour Dominique Bilde- avant de se rétracter.
Par exemple, sur une session de vote de septembre 2015, Jean-Luc Mélenchon s’est trompé à 14 reprises consécutives, comme en témoigne le procès-verbal de la session.
« Nous faisons le point sur les votes en équipe avant chaque session. Mais ensuite, c’est vrai que nous repointons tous les votes, d’autant que nous faisons des explications de vote sur beaucoup de texte sur notre site Internet » explique l’assistante parlementaire de Jean-Luc Mélenchon.
Du côté du FN, la championne des corrections de vote, Dominique Bilde, est notamment à la pointe de la lutte pour la protection des animaux, ce qui n’est pas forcément le cas du reste de son groupe. Elle a d’ailleurs récemment déposé une résolution pour interdire la vente de porte-clefs contenant des animaux vivants, qui se pratique visiblement en Chine.
Le FN sèche sur l’accueil des réfugiés
Au-delà de ces deux cas spécifiques, la majorité des élus FN pratiquent la correction de vote à grande échelle. Sur certaines lois, les eurodéputés FN se sont vraiment emmêlé les pinceaux.
Ainsi sur la résolution adoptée en septembre à propos des réfugiés. Il s’agissait de mesures destinées à aider l’Italie et la Grèce pour l’accueil des réfugiés. Les élus FN ont massivement changé d’avis après leur vote sur les amendements proposés : pas moins de 45 corrections de vote ont été réclamées par les élus frontistes sur ce seul texte ! Est-ce parce qu’ils ne comprenaient pas la question, ou parce qu’ils n’assument pas leur vote en faveur de l’accueil des réfugiés, difficile de savoir. Contacté par EurActiv, le porte-parole du groupe Europe des Nations et des Libertés au Parlement européen n’a pas répondu.
Des erreurs de vote liées au manque d’assistants parlementaires ?
Les erreurs de vote ne sont sans doute pas sans lien avec les autres problèmes que le FN accumule depuis le début de cette législature, selon une source au sein de l’institution.
Le Parlement européen a en effet saisi la justice française à propos des fonds européens qu’il lui alloue. 29 des assistants parlementaires du groupe auraient en fait des fonctions nationales plutôt qu’européennes, ce qui pourrait expliquer les difficultés des élus à faire correctement leur travail. Le siège du Front national a été perquisitionné à ce sujet mi-février.
A l’automne dernier, Marine Le Pen a par ailleurs été soupçonnée de truquage, son boitier de vote électronique ayant visiblement fonctionné en son absence
>>Lire : Soupçons de truquage de vote au Parlement européen
Les extrêmes toujours adeptes de l’école buissonnière
Lors des dernières élections européennes, le site votewatch.eu avait mis en avant la participation aléatoire de certains parlementaires, notamment au sein des extrêmes droites et gauche de la chambre.
>>Les politiques attaquent Marine Le Pen sur son absentéisme
Les Français Jean-Marie Le Pen et Jean Luc Mélenchon faisaient partie des moins assidus. Depuis, les choses ont changé, après des consignes plus draconiennes. Mais les vieilles habitudes ne changent pas. Jean-Marie Le Pen a ainsi participé à seulement la moitié des votes, et se classe ainsi qu 747èmerang des eurodéputés, tout juste devant Nigel Farage, de l’Ukip. On trouve aussi Sergei Stanishev, le président des socialistes européens, au rang 722. Parmi les Français, Virginie Rozière se classe 700, et Florian Philippot 688e.
Par Aline Robert