La crise des réfugiés, une responsabilité européenne partagée
Le sommet UE-Turquie de ce lundi sera déterminant, estime le commissaire européen en charge de la Migration, Dimitris Avramopoulos.
Où va l’Europe ? » « Sommes-nous au bord de l’effondrement ? » « Qu’arrivera-t-il si nous échouons ? » Telles sont les questions que des citoyens inquiets m’ont posées ces derniers jours, questions que je lis également dans la presse. La crise des réfugiés à laquelle nous faisons face remet en cause les fondements mêmes de l’Union européenne, mais ce serait une erreur de sous-estimer la capacité de résistance de l’Union.
Plus d’un million de personnes ont débarqué sur nos côtes l’année dernière- ils ont atteint non seulement la Grèce et l’Italie mais également les pays des Balkans, l’Autriche, l’Allemagne, ou encore la Belgique et la Suède. La pression n’est actuellement pas répartie proportionnellement ou équitablement – un petit pays comme la Belgique qui a accueilli plusieurs milliers de demandeurs d’asile au cours des derniers mois en est un bon exemple.
À l’heure actuelle, plus de 10.000 personnes sont bloquées à la frontière entre la Grèce et l’Ancienne République yougoslave de Macédoine, dans des conditions désastreuses. Des milliers de personnes continuent d’arriver chaque jour et la Grèce se prépare à absorber 100.000 réfugiés supplémentaires d’ici la fin du mois. Le danger est que ce nombre croissant de réfugiés nous fasse parfois perdre de vue que nous parlons d’êtres humains.
Pendant ce temps, des clôtures sont érigées et des frontières se ferment – pas seulement physiquement, mais dans l’esprit de nos concitoyens également.
Mercredi, la Commission européenne a présenté un instrument d’aide d’urgence pour fournir une aide humanitaire au sein de l’UE. Cette aide supplémentaire peut être fournie aux États membres particulièrement touchés par la crise des réfugiés, comme la Grèce. En même temps, nous travaillons, en étroite collaboration avec les autorités grecques, à un plan d’urgence pour répondre à leurs besoins immédiats d’hébergement, de personnel et de ressources financières.
Nous ne pouvons cependant pas continuer à travailler en mode de crise et uniquement avec des planifications d’urgence. Des populations continueront de fuir tant que l’instabilité régnera dans les pays voisins de l’Union. Ces conflits n’ont pas seulement des conséquences en Turquie ou en Grèce, mais sont ressentis jusqu’en Belgique, Allemagne, Suède et plus loin.
La Commission européenne a pris l’initiative dès le début et a indiqué la voie à suivre pour adopter une approche commune. Ce dont nous avons besoin maintenant, c’est de courage et d’un leadership politique pour honorer nos engagements antérieurs, assumer et partager les responsabilités, et commencer à réagir collectivement.
Agir ensemble
Il y a eu suffisamment de déclarations et de mots mis sur papier, il faut désormais agir ensemble, et rapidement.
Dans les prochains jours, il faut que des relocalisations massives aient lieu depuis la Grèce vers d’autres États membres. Chaque opération doit concerner non pas des dizaines mais des centaines de personnes. Je compte à cet effet sur tous les États membres.
Notre politique doit aussi consister à nous assurer que les personnes qui n’ont pas le droit de rester dans l’Union soient effectivement reconduites.
Nous devons également transférer et réinstaller en toute sécurité en Europe des personnes se trouvant actuellement en Turquie, tout en nous attaquant avec vigueur aux réseaux de passeurs.
Le sommet de lundi avec la Turquie sera déterminant pour diminuer les flux dans les semaines et les mois à venir. En même temps, nous devons contrôler non seulement les flux, mais aussi notre politique migratoire commune. Cela ne sera possible que si nous appliquons pleinement les règles. Nous devons veiller à ce que d’ici la fin de l’année notre zone Schengen fonctionne normalement, sans contrôles aux frontières. Dans quelques semaines, nous soumettrons notre proposition pour la réforme du mécanisme de Dublin et de notre politique commune d’asile. En attendant, les États membres doivent appliquer les règles existantes.
En outre, je compte sur les États membres et sur le Parlement européen pour parvenir à un accord avant l’été sur notre proposition pour un corps européen de garde frontières et de garde-côtes, de façon à ce que nous ayons déjà un système européen opérationnel pour la gestion de nos frontières extérieures communes d’ici l’été.
Ce n’est qu’ensemble que nous pourrons faire face à tous les aspects de la crise des réfugiés – et c’est précisément notre force en tant qu’Union européenne. Cette Union est née de l’idée de mettre fin aux fragmentations et d’unir nos forces. Pendant des décennies, nous avons travaillé sur l’unification, la solidarité et la responsabilité partagée. Nous ne pouvons permettre que tout cela soit réduit à néant en l’espace de quelques mois. Ce serait indigne de l’Europe, et ce n’est pas à cette Europe que je veux appartenir.
Dimitris Avramopoulos, commissaire européen en charge de la Migration.
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