Lycéens d’Europe : une confiance lucide dans l’esprit européen ?
Du 9 au 11 mai, se sont réunis à Montpellier cent vingt lycéen(ne)s venus d’Ecosse, de Catalogne, de Ligurie, des académies de Corse, d’Aix-Marseille, Nice et Montpellier pour trois journées de colloque et d’action dans le cadre de l’Initiative pour une démocratie européenne active des lycéens (IDEAL).
Ils ont d’abord présenté les uns aux autres les différents modes de représentation des lycéens dans les établissements et dans chacun de leurs pays. Ils ont accompli ensemble des actions solidaires en lien avec l’UNICEF, la Croix Rouge, le Secours populaire et l’association Sakado. Ils ont travaillé en ateliers à la rédaction d’un projet de charte européenne destinée aux lycéens de l’Union européenne et au parlement européen.
Pour les avoir vu travailler ensemble, en suivant le groupe chargé de rédiger le préambule de cette charte, je peux témoigner de la confiance lucide des lycéens dans l’idéal européen. Il ne leur échappe pas que le scepticisme monte à l’égard de l’idée européenne, nourri par de multiples crises qui poussent certains au repliement sur soi, à la construction de murs aux frontières pour entraver la liberté de circulation. Mais ils savent aussi que si ces crises nourrissent le scepticisme, ce n’est pas parce qu’on aurait trop mis en oeuvre les valeurs et les principes de l’Union européenne, mais parce qu’on ne l’a pas assez bien fait. Appliquer dans tous les domaines ces valeurs et ces principes permettrait sans doute de dépasser le scepticisme ambiant.
Parcourir la charte écrite à Montpellier le 10 mai permet de saisir l’état d’esprit des lycéens, élus de leurs établissements respectifs, représentatifs d’autres lycéens, bien plus nombreux.
Il y est question d’une école pour tous, sans discrimination d’aucune sorte, notamment de l’accueil des élèves étrangers, de développement durable, d’esprit critique afin de lutter contre toutes les manipulations mentales, d’orientation et d’emploi, de la parole des élèves. Les propositions sont concrètes, fondées sur ce que le préambule appelle « un nouvel esprit européen », caractérisé par le respect des droits de l’homme et l’union dans la diversité, que favorise, dans les lycées, la démocratie lycéenne.
Au cours de leurs échanges, les lycéens venus du Royaume-uni, d’Italie, d’Espagne et de France ont bien perçu la diversité de leurs situations. Ils se sont entendus, dans la charte, sur un socle commun d’objectifs d’harmonisation de la prise en compte de la parole des lycéen(ne)s.
« Nécessité que la parole des élèves soit portée par les élus dans toutes les instances et qu’elle soit reconnue.
• Les candidats peuvent participer à une campagne électorale avec programme et discours. Ceux-ci sont proposés aux électeurs pour favoriser l’engagement citoyen.
• Dans les organismes de décisions les élus pourront bénéficier d’un droit de vote légitime et équitable.
• Les élus peuvent disposer d’une attestation officielle reconnaissant l’aboutissement de leur mandat signé par l’Autorité hiérarchique ».
Mais on sera particulièrement sensible à ce qu’ils ont retenu concernant l’accueil des élèves étrangers et le développement de l’esprit critique.
Sur le premier point ils indiquent :
« Chaque élève nouvel arrivant doit se sentir accepté.
Les élus lycéens ont le droit d’être informés de manière efficace de toute nouvelle arrivée d’élève étranger afin de pouvoir eux-mêmes informer les lycéens volontaires pour les accompagner ».
Sur le second, ils écrivent :
« Le lycéen européen développe son esprit critique afin de lutter contre toutes les formes de manipulations mentales.
- Création d'un outil multimédia de prévention.
- Mise en place d'un média lycéen, afin de sensibiliser à la lutte contre la désinformation.
- Mise en place, au niveau européen, de la semaine de la presse et des nouveaux médias.
- Organisation de campagnes de sensibilisation contre toutes formes de discrimination et de radicalisation (racisme, homophobie, sexisme...).
- Formation des professeurs et des élèves élus des différents établissements à la détection des signes de manipulations mentales».
A travers cet exemple, on perçoit nettement la dimension fortement formatrice des instances de vie lycéenne et des échanges européens. Pour ceux qui penseraient encore que c’est là du temps perdu par rapport à l’objectif essentiel qui serait d’apprendre ce qui est nécessaire pour réussir à l’examen final de l’enseignement scolaire puis éventuellement à l’université, les lycéens apportent, par leurs échanges multilingues, leur réflexion sur le sens même de l’école, un démenti exemplaire.
- 14 mai 2016
- Par Jean-Pierre VERAN
- Blog : Le blog de Jean-Pierre VERAN
ARTICLE PAR BLOGS.MEDIAPART.FR
