L'Europe sera sociale ou ne sera pas

Les déséquilibres sociaux enregistrés aujourd'hui dans de nombreux Etats membres et la divergence entre les pays minent les perspectives de croissance des pays et nourrissent la contestation sociale et l'euroscepticisme.

 

Jean-Claude Juncker l'a affirmé dans son discours devant le Parlement européen (PE), en 2014: il veut une Europe sociale notée "triple A". Pour y parvenir, la Commission a proposé l'adoption d'un "socle européen des droits sociaux" (SEDS), qui énoncera les principes communs qui doivent, d'une part, être pris en compte par les Etats membres dans la conduite de leur politique sociale et de l'emploi (ainsi que par l'UE dans sa législation) et, d'autre part, permettront de comparer les performances nationales et d'indiquer la direction à suivre pour renouer avec la convergence. Après une consultation publique qui s'est déroulée tout au long de 2016 et alors que le PE vient d'adopter son avis sur ce projet, il est maintenant temps de passer de la réflexion aux actes. Il faut concrétiser ce SEDS, qui ne doit pas être une liste de bonnes intentions mais doit plutôt se traduire par des réalisations concrètes, qui changent la vie des citoyens européens.

Renforcer l'"Europe sociale" n'a jamais été aussi nécessaire qu'aujourd'hui. Les élargissements de l'UE aux pays d'Europe Centrale et Orientale ont accentué les écarts entre les pays en termes de salaires et droits sociaux, renforçant de ce fait le risque de concurrence sociale au sein de l'UE; la crise économique a eu des conséquences sociales importantes, en particulier une forte hausse du chômage et un accroissement des inégalités ; et des évolutions en cours, telles que la numérisation de l'économie et le vieillissement de la population, ont un impact important sur le marché de l'emploi et les systèmes de protection sociale.

Ces défis communs exigent des réponses communes. Si les États membres veulent convaincre dans le contexte actuel d'extrême scepticisme voir de méfiance envers le projet européen, il faut que l'UE apparaisse comme porteuse de bien-être pour ses citoyens. Il faut un nouveau grand compromis, comme il a été fait dans les années 80 sous l'impulsion de Jacques Delors, entre libéralisation économique et renforcement de l'Europe sociale.

L'initiative lancée par la Commission Juncker a permis de remettre en haut de l'agenda le débat sur la dimension sociale du projet européen. Pendant les neuf mois de la consultation publique, il a été débattu à Bruxelles et dans chaque Etat membre des principes et des initiatives du futur SEDS. Ce dernier présente, dans sa première ébauche publiée en mars 2016, 20 domaines d'action structurés autour de trois défis : i) garantir l'égalité des chances et l'accès au marché du travail ; ii) offrir des conditions de travail équitables ; et iii) assurer une protection sociale adéquate et viable.

Alors que la Commission doit présenter au printemps prochain sa proposition de SEDS, deux conditions devront être remplies pour que cette Europe que l'on souhaite plus sociale soit visible aux yeux des citoyens européens.

Premièrement, le socle ne doit pas se limiter à une déclaration de principes ou de bonnes intentions. Il est certainement utile – mais pas forcément porteur de changements au niveau national – de rappeler que le salaire minimum de chaque pays doit permettre un niveau de vie décent ou qu'il faut empêcher le recours abusif aux relations de travail précaires et non permanentes (comme énoncé dans l'ébauche du socle). Ces principes doivent être traduits en initiatives concrètes, reposant autant que possible sur l'outil législatif et les instruments financiers européens. Le rapport du PE sur le SEDS montre la voie à suivre, en présentant de nombreuses propositions concrètes, telles que l'établissement d'un salaire minimum commun (fixé à au moins 60% du montant des salaires médians nationaux respectifs), l'interdiction des "contrats zéro heure" ou la création d'un "compte personnel d'activité" pour tous les travailleurs européens. Si le rapport du PE est encourageant, il met également en évidence les difficultés à venir : le rapport a été adopté sans le vote favorable de plus d'un tiers des membres du groupe PPE, ce qui peut laisser entrevoir des difficultés au Conseil lors de la négociation des initiatives qui seront prévues dans le SEDS.

Deuxièmement, si ce SEDS est nécessaire pour renforcer l'Europe sociale, il ne sera pas, en soi, suffisant. L'UE doit changer de "logiciel" : la dimension sociale du projet européen doit être horizontale, ce qui veut dire que les objectifs du plein emploi mais aussi du progrès, de la justice et de la cohésion sociales doivent être portés par l'ensemble des commissaires et par l'ensemble des membres du Conseil et non pas uniquement par le commissaire/le ministre responsables de l'emploi et des affaires sociales. L'"Europe sociale" ne sera pas visible pour les citoyens européens tant qu'il y aura, par exemple, au nom du respect des règles budgétaires européennes, des coupes budgétaires dans les dépenses sociales nationales.

Ce débat sur les droits sociaux européens aura lieu au cours des prochains mois en parallèle de la révision de la directive sur le détachement des travailleurs. Cette dernière incarne aujourd'hui l'Europe du dumping social, même si les difficultés liées au statut du travailleur détaché relèvent essentiellement du non-respect des règles européennes (situations d'abus et de fraude) plutôt que des règles en soit. Mais là encore, le grand principe défendu par Jean-Claude Juncker d'un "salaire égal pour un même travail au même endroit" doit se traduire par des initiatives concrètes, parmi lesquelles devrait figurer la création d'une agence européenne d'inspection du travail.

L'Europe sera sociale ou ne sera pas. Les déséquilibres sociaux enregistrés aujourd'hui dans de nombreux Etats membres et la divergence entre les pays minent les perspectives de croissance des pays et nourrissent la contestation sociale et l'euroscepticisme. Apporter des réponses concrètes à ces déséquilibres et ces divergences est non seulement une question de respect des valeurs et des objectifs de l'UE, mais aussi un enjeu clé pour l'avenir du projet européen.

 

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