L’Europe a besoin d’une stratégie de confiance, pas de politiques de la peur

 

Alors que les 28 chefs d’Etat et de gouvernement de l’Union européenne se réunissent aujourd'hui et demain à Bruxelles pour un sommet crucial, trois économistes prestigieux proposent des pistes pour sortir l'Europe de l'impasse. Une tribune Libération.

 

 

Une tribune paru sur le site internet de Libération.
http://www.liberation.fr/debats/
 

L’Europe a besoin d’une stratégie de confiance, pas de politiques de la peur

 

Par Jean-Paul Fitoussi, Professeur à Sciences-Po (Paris) et à Luiss (Rome) , Karl Aiginger, Directeur de l’Institut autrichien de recherche économique, professeur à l’Unviersité d’économie et de gestion de Vienne et Paul   De Grauwe, Professeur émérite à l’Université Catholique de Louvain et Professeur de la chaire John Paulson à la London School of Economics

Alors que les 28 chefs d’Etat et de gouvernement de l’Union européenne se réunissent aujourd'hui et demain à Bruxelles pour un sommet crucial, trois économistes prestigieux proposent des pistes pour sortir l'Europe de l'impasse.

 

Alors que les chefs d’Etats et de gouvernements se réunissent à Bruxelles, l’Europe est submergée par les crises : migrants, Brexit, Euro, terrorisme, croissance léthargique, disparités sociales, populismes… La liste est longue et les réponses politiques deviennent de plus en plus désordonnées et court-termistes. Des murs s’élèvent à nouveau à travers l’Europe, au sens propre comme au sens figuré. Les dirigeants politiques de tous bords invoquent la fin possible de l’intégration européenne.

 

L’UE a toujours été plus forte lorsqu’elle poursuivait des projets phares et audacieux au service d’un avenir meilleur. Ces dix dernières années, cependant, l’Union européenne est devenue synonyme de politiques d’austérité et a abandonné les citoyens dans l’angoisse du déclin social. Ces circonstances ont rendu la tâche aisée à ceux qui dépeignent les migrants comme des ennemis – de l’intérieur et de l’extérieur – de l’UE devant être tenus hors des frontières nationales. Les négociations autour du Brexit, tout comme la déclaration de Visegrad, révèlent les limites de la solidarité en Europe.

 

Une spirale négative

 

Toute crise requiert des mesures d’urgence pour éteindre l’incendie. Mais le destin du projet européen dépendra de la capacité de ses dirigeants à tracer la voie qui correspond vraiment à nos valeurs économiques, sociales et environnementales et qui répond aux aspirations des citoyens européens. Cela nécessite un examen consciencieux et sans complaisance de nos politiques économiques.

 

La réaction de l’Europe à la mondialisation a été de tenter de rivaliser en réduisant progressivement les salaires, les taxes et les normes sociales et environnementales. Cela nous a fait tomber dans une spirale négative. Il est grand temps pour l’Europe de se lancer sur la voie d’une compétitivité vertueuse, où l’accent est mis sur la recherche, les savoir-faire, l’ambition environnementale, l’excellence des institutions et des politiques pour l’emploi qui autonomisent les individus.

 

La croissance doit demeurer un objectif politique de premier ordre. Mais celui-ci doit être poursuivi d’une manière fondamentalement différente : notre but ne doit pas être la seule croissance du PIB, mais d’améliorer le bien-être des citoyens. L’OCDE a déjà proposé un cadre pour mesurer nos performances en la matière. Nos politiques doivent être cohérentes et stimuler systématiquement les trois vecteurs du progrès social qui sont au cœur de l’identité européenne : le dynamisme économique, l’inclusion sociale et la durabilité environnementale.

Contrairement au discours actuel, l’Europe devrait dynamiser la mobilité des travailleurs, y compris celle des moins qualifiés. L’encadrement du temps de travail, des employés comme des employeurs, doit être également assoupli. Les entreprises devraient pouvoir ajuster leur fonctionnement à la demande en cours, de même que les travailleurs devraient avoir le droit d’adapter leur rythme de travail à leurs préférences personnelles et à leurs cycles de vie.

En finir avec les arrangements court-termistes

Assurer la pérennité de nos systèmes de protection sociale demeure plus important que jamais. Mais plutôt que de multiplier les arrangements court-termistes, qui se révéleront néfastes pour tous, nous devons repenser notre approche. Nous devons passer d’une logique de solidarité correctrice à une politique d’investissement en amont de l’apparition des problèmes : dans l’éducation (des plus jeunes), dans les savoir-faire et dans la santé. Alors que les flux de migrants cristallisent les inquiétudes à travers l’Europe, reconnaître leurs qualifications et leur assurer l’accès à l’école, aux formations et aux apprentissages est essentiel pour réduire les dépenses publiques et les tensions politiques à moyen-terme.

Le chômage demeure intolérablement élevé dans une grande partie de l’Europe. Les gouvernants doivent éviter qu’une génération entière de travailleurs ne soit perdue dans la crise économique. C’est pourquoi les taxes sur le travail devraient être drastiquement réduites, en particulier sur le segment des bas revenus. Selon nos calculs, cette coupe fiscale pourrait être compensée par des taxes progressives sur l’héritage, la propriété et les transactions financières, et par l’introduction d’une taxe carbone sérieuse. Couplé avec une politique publique écologique ambitieuse, cela encouragerait l’adoption de nouvelles technologies et renforcerait l’avantage compétitif de l’Europe dans ce domaine. Les dirigeants européens parlent d’emplois verts : il est temps de les créer.

L’innovation est essentielle dans cette voie vertueuse. L’Europe doit investir davantage dans l’éducation, renforcer les fonds alloués à la recherche, développer un marché du capital-risque robuste et réduire la bureaucratie qui pèse sur les start-up comme sur les entreprises établies. Mais il nous faut aussi changer la direction de l’innovation. Pendant trop longtemps l’accent a été mis sur le remplacement du travailleur par la machine et donc sur le transfert des gains de productivité engendrés vers l’actionnaire. Il serait préférable de stimuler l’innovation sur les terrains de l’efficience énergétique et de l’optimisation des ressources, et de réaligner les salaires sur la productivité. Cela réveillerait la demande privée et redynamiserait l’économie.

Ce dont l’Europe a besoin, c’est d’une stratégie de confiance, pas de politiques de la peur. Nombre des leviers nécessaires à ces changements cruciaux sont dans les mains des gouvernements nationaux. Il est temps que les dirigeants de l’Union européenne se mettent au travail, afin d’améliorer le bien-être de leurs citoyens et de rétablir leur confiance en l’Europe.

Jean-Paul Fitoussi Professeur à Sciences-Po (Paris) et à Luiss (Rome) , Karl Aiginger Directeur de l’Institut autrichien de recherche économique, professeur à l’Unviersité d’économie et de gestion de Vienne , Paul   De Grauwe Professeur émérite à l’Université Catholique de Louvain et Professeur de la chaire John Paulson à la London School of Economics

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